A la rencontre des deux mairies de Trouville - 15 août 2025

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C’était un 15 août à Trouville. Au sommet de la Mairie, telle une écharpe, le drapeau tricolore flotte. Notre Hôtel de Ville nous ouvre exceptionnellement ses portes, au son de quelques notes qui, vibrantes, égrènent notre hymne national.

Au premier étage, va se dérouler la 5ème rencontre patrimoniale organisée par l’AMT : habillés aux couleurs de la France, Sylvie, Karl, Françoise et moi-même accueillons le public.

Un peu d’histoire….

La Révolution de 1789 en France réorganisa la structure administrative de l’Ancien Régime en mettant en place 44000 communes : à la tête de chacune, un Maire qui devient alors un acteur politique essentiel. Ainsi, suite à la loi du 20 septembre 1792, les registres de l’Etat Civil, auparavant détenus par le prêtre, lui seront-ils transférés.

Mais si les communes avaient un maire aidé de conseillers municipaux, elles n’avaient pas forcément de mairie : il fallut en effet attendre la loi du 5 avril 1884 pour obliger toutes les communes à se doter d’une Mairie.

Trouville construira sa première mairie en 1860.

A cette époque, notre cité balnéaire est couronnée « Reine des plages » (n’oublions pas que Deauville est encore un songe enfoui sous les marais) : en 1856 la population locale (qui avait plus que doublé après l’annexion d’Hennequeville en 1847) s’élève à 4163 habitants et la cité accueille près de 6000 estivants. Un tel essor, en quelques décennies, imposait la construction d’une Mairie.

Après trois projets refusés en 1850 et 1851, le baron Clary (maire de Trouville de 1855 à 1865) et son conseil municipal votent en 1858 celui de l’architecte Adolphe Azémar qui propose la construction d’une mairie et d’un hangar sur la place de la Cahotte.

Edifiée dès l’hiver 1859, cette Mairie ne sera achevée qu’en 1862, alors que sur un méandre de la Touques, la gare de « Trouville-Deauville » sort elle aussi de terre.

Cette première mairie trouvillaise est donc érigée sur la place de la Cahotte, désormais baptisée place de l’Hôtel de ville. Elle fait face au premier palace trouvillais, construit dès 1842, le Grand Hôtel Bellevue.

« Telle une construction bourgeoise édifiée sous Louis XIII ou dans les premières années de Louis XIV » selon Henri Lecourt, elle est construite en briques rouges et s’élève, gracieuse et élégante. Sur la place, à sa droite, de la rue Carnot à la grève, se profile une enfilade d’hôtels touristiques dont le plus ancien est l’Hôtel de la Plage (1841).

A sa gauche, le long de la Touques, le Hangar servant de remise du matériel des bains et de théâtre l’été, sera transformé en marché couvert en 1883 : les marchands venus de partout sont si nombreux que beaucoup s’installent à l’extérieur créant ainsi un marché en plein air face au marché couvert.

Cette place de l’Hôtel de ville est toujours grouillante de monde, encombrée de voitures à cheval (puis à pétrole) en particulier lors de l’arrivée des bateaux du Havre sur les quais : les ombrelles et crinolines côtoient alors les bonnets de coton des paysannes et femmes de pêcheurs.

Quelques années plus tard en 1889, un jardin public bien arboré et doté d’un kiosque à musique, offre de belles flâneries aux promeneurs. Son entrée principale permet d’accéder à la grève en passant à travers les galeries aux arcades de bois de style oriental qui prolongent l’Eden Casino construit à la même époque. Là, des boutiques et commerces de tous genres s’y bousculent joyeusement, alors que le music-hall croule sous les applaudissements quand les danseuses des Folies Bergère s’y produisent, fort dénudées. Cette ancienne place de la Cahotte s’agrémentera encore d’un manège, d’un théâtre, d’un stand de tir, d’un gymnase et de bains chauds….

Là, « la vie à Trouville était une fête ».

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Cette jolie Mairie en briques rouges, accueillera, pendant 52 ans, 6 maires.

Le premier est le baron Clary et le dernier, Michel Pelletier qui signe le contrat chargeant la Société du Casino Municipal d’édifier sur la place de l’Hôtel de Ville, un casino : pour le construire, on détruit.

En 1911, la place de l’Hôtel de Ville est un chantier : adieu, marché couvert, adieu, bains chauds et théâtre, adieu, jardin public et kiosque, adieu, l’Eden Casino et ses galeries.

En 1912, on y assiste à une métamorphose.

Le Casino de 6500m2, construit en 16 mois à peine s’élève, colossal ; il sera inauguré le 29 juin 1912 et la place de l’Hôtel de Ville sera alors baptisée « place du Casino ». La Mairie quant à elle, sera détruite dans les premiers jours de juin 1912 alors que la nouvelle Mairie ne sera achevée que vers la fin de l’année 1913 !

Ainsi curieusement, pendant plus d’un an et demi, Trouville se retrouve sans Mairie, comme au bon vieux temps ! Et le conseil municipal se réunira alors à l’Hôtel Meurice, à l’angle de la rue saint Michel et de la rue Carnot.

Juin 1912 ! Trouville « la Reine » compte près de 6000 habitants et une foule d’estivants ; elle est dotée d’une gare et de deux casinos (dont le Casino-Salon de 1847 qui ne disparaîtra qu’en 1926) mais pas de Mairie !

Un concours est lancé pour sa construction, remporté par les architectes, Laurent et Paul Farge, père et fils. De réputation mondiale, ils se sont illustrés dans de prestigieuses réalisations. A Madrid, ils ont collaboré, lors de la construction du Casino Royal, avec le maître-verrier Jules-Pierre Mauméjean dont un des fils, Carl, a réalisé huit vitraux pour … Saint Michel d’Hennequeville

Les deux architectes sont contraints, dès 1912, de construire la Mairie sur un plan triangulaire, adossée aux Nouvelles Galeries à l’angle du quai Vallée et de la rue Amiral Maigret. L’édifice s’élève sur trois étages et un sous-sol, accueille tous les services municipaux et se dote aussi d’un cabinet du juge pour les affaires juridiques. Il s’élève, élégant, couronné d’un campanile et d’une plateforme d’observation.

Cette Mairie sera opérationnelle en 1913, année où elle figure sur le plan officiel de la ville.

Quelques années plus tard, Auguste Vimard, maire de 1913 à 1919, y installe une horloge. Peu de changements ont été constatés depuis, si ce ne sont les emplacements des divers services, au gré du besoin de chaque époque. Le 10 septembre 1922, est solennellement inauguré le Monument aux Morts.

« Secrètement » enfouies dans le sous-sol du poste de police de cette nouvelle Mairie, cinq cellules de prison prévues pour les petits délits, sont désormais noblement occupées par les archives.